GIJON Vos récits

 

La traversée vers Gijon a suscité de nombreux commentaires et faute de place dans le VDP, nous n’avons pas pu publier l’ensemble de vos productions.

Comme nous sommes sans arrêt obligés de compter le nombre de mots, de signes de nos articles afin de respecter la place qui nous est allouée, les textes les plus courts ont été favorisés dans ce premier temps. Mais chose promise …

Voici donc les contributions qui devaient paraitre dans le numéro 166.

GIJON

 

TEXTE DE DANIELE LOT

 

30 bateaux prévus au départ de cette belle aventure : La Rochelle-Gijón. Une magnifique occasion pour se lancer dans la traversée du Golfe de Gascogne pour des plaisanciers qui, comme nous, hésitaient à sauter le pas …  A plusieurs, soutenus par des équipages plus expérimentés, c’est tellement rassurant !  Si certains sont partis plus tôt via le Pays Basques ou la Cantabrie, pour la plupart, nous nous sommes retrouvés le vendredi 24 juin en fin d’après-midi pour un routage météo en vidéo avec Robert Lainé depuis le Canada. Pas de chance : au menu, temps gris, houle et alternance vent « pétrole » … Et surtout vent d’ouest ou pire sud-ouest ! Pas de portant, il nous fallait remonter au vent en permanence avec de surcroît une belle houle par le travers … Bref rien de bien réjouissant ! Mais nous étions tous si excités et décidés à nous lancer dans cette aventure, que dès le samedi  matin la plupart des bateaux se sont retrouvés en route vers Rochebonne. Trois jours et deux nuits de froid, de houle, et de nausées pour la plupart d’entre nous … en tout cas, c’est ce qui est ressorti du « blabla pontons » à l’arrivée. Le troisième jour,, de nombreux dauphins nous ont accueillis et escortés. Nous avons été éblouis par les côtes abruptes et verdoyantes. Quel bonheur d’arriver, de pouvoir enfin hisser le grand pavois et arpenter le ponton même si pendant  quelques heures nous avons continué à tanguer un peu. Petit à petit, les pontons ses sont remplis et notre armada rochelaise avait vraiment fière allure dans ce port de Gijón. De nombreux badauds regardent avec curiosité notre ponton multicolore. Je dois rapporter deux événements notables concernant cette traversée : Tao, l’un des trois Océanis 37 de cette traversée, s’est retrouvé stoppé net au large de l’île d’Oléron, en pleine nuit. Que faire …. Appeler les secours ? Sans visibilité, l’équipage a tenté de dégager la quille du bateau avec la crainte permanente de bloquer l’hélice …  Ce n’est qu’au bout d’une heure d’efforts que le bateau s’est enfin libéré de son piège : peut-être un filet dérivant … Florelia : l’oceanis 40 du groupe dont l’équipage a péché un magnifique thon de 15 kg au moins.  Bon appétit !!! Notre séjour de trois jours à Gijón a été dense en activités grâce au travail d’organisation de Jean-Marie :

– un pot d’accueil le mardi soir avec le staff de la capitainerie.

– La visite du Musée Pueblo de Asturies pour nous présenter l’histoire et l’artisanat de la principauté et notamment une splendide collection de cornemuses. Car oui, les Asturies bénéficient d’un climat proche de la Bretagne, pluies et cornemuses comprises …

– La découverte du Jardin botanique Atlantique, musée végétal de 16 hectares (nous n’avons pu en voir qu’une petite partie)

– l’université laboral, édifice le plus grand d’Espagne (270.000 m²) construite en 1946 par Franco pour former de jeunes ouvriers au service de son projet politique …

– Visite et repas dans une cidrerie.

– Découverte du quartier historique de Cimadevilla, vieille ville de Gijón avec ses ruelles intimes et sinueuses, ses palais discrets et ses places populaires sur lesquelles certains habitants se réunissent encore pour chanter et danser au son des tambourins notamment pour fêter la San Pedro !

Accroché sur la falaise, en bordure du quartier historique et dominant la mer avec d’immenses baies vitrées, se trouve le Club Régata. Il s’agit d’un club privé très « select » dans lequel nous avons dégusté un délicieux menu marin ! Service très soigné, moquette épaisse, hauts plafonds et lustres étincelants, on se serait cru dans la salle à manger d’un transatlantique grand luxe du 20ième siècle. Un superbe moment dont nous avons pu profiter grâce aux contacts noués par nos prédécesseurs de l’APLR.

 

Le temps est passé très vite et il nous faut envisager la suite de l’aventure.

Certains bateaux doivent rentrer directement sur La Rochelle, tandis que d’autres décident de partir vers l’ouest, la Galice. Nous sommes huit bateaux à choisir l’est, l’option Cantabrie. Jean-Marie, une fois de plus, nous vient en aide en nous proposant un itinéraire :

– Rivadesella, San Vicente, Santander, Laredo, Bilbao …  Encore de très bons moments à venir.

 

Je tiens enfin à remercier toute l’équipe de l’APLR pour ce voyage qui nous a permis d’élargir nos possibles, de découvrir de nouveaux territoires et de faire de très belles rencontres.

 DANIELE LOT

 

 

 

Ma traversée du golf de Gascogne en solitaire

 

J-1

Je suis passé à météo France pour avoir la confirmation de mes prévisions pour ma traversée demain et le météorologue m a confirmé dans mon analyse sauf qu’il me dit qu’il y aura moins de vent que prévu et qu’il faut que je descende jusqu’à Royan le long de la côte et après prendre le cap de Gijon.  OK je ferai ça ! Le fait de ne pas avoir de coup de vent prévu me rassure un peu.

Sur Pierol, je termine l’avitaillement et l’installation de ma nouvelle balise de détresse, obligatoire à plus de 80 miles des côtes.

20h : je fais un dernier contrôle du matériel ! j ai voulu être seul ce soir pour bien me concentrer sur mon aventure ! ! J’essaie de dîner mais rien ne passe ce sera pour plus tard ! !

21h : ma route est faite sur le traceur 250 miles jusqu’à Gijon au cap 233 °! Ma tenue de nave est prête pour demain ! Lever prévu 4h30.

Je vais aller m’allonger mais je n ai pas sommeil. Je suis trop excité pour ça. Il faut que je me calme et je me mets à lire un peu ça marche ! Je m’endors !

Jour J à 4h30 : réveillé avant la sonnerie bien sur ! ! !  Dehors j entends le vent dans les haubans, j allume les instruments pour voir la direction et la force du vent et surprise du SO et 20 nds : Météo France s’est un peu trompé ! Je prends un ris avant de partir !  Bon ça va peut- être tomber plus tard car c’est juste sur mon cap.

5h : je quitte le catway, C’est parti ! et d’un coup la tension tombe. Je suis bien à la barre, je regarde le port s’éloigner, mais ça monte à force 5 et la direction du vent est pile dans mon nez grrrrr .

Je tire des bords jusqu’à Chassiron et le large s’ouvre devant moi !  La mer est bien formée et se creuse de plus en plus !  A la radio j’entends qu’un bateau fait demi- tour. Je vais attendre un peu pour voir !! à 10 miles de Chassiron je suis toujours dans l alignement du phare je me suis éloigné mais pas sur mon cap je décide de virer vers la côte cap sur Royan comme prévu, mais le vent a forci et un manque à virer à cause des vagues me bloque dans le lit du vent. Le bateau se soulève plusieurs fois au 2/3 et retombe durement je mets rapidement le moteur pour m aider à virer et ça marche. Je reprends ma route mais vers la Côtinière ! Toute une journée de nave pour ça ! ! ! J’ai faim, c’est bon signe. Après un bon sandwich ça va mieux. Je me suis préparé pour la nuit qui ne va pas tarder et je suis à peine en dessous d’Oléron ! ! Ca y est ma première nuit est passée je sais maintenant ce que ressent une bille de flipper car je ne pouvais même pas rester assis sans bien me tenir ! Une vague plus puissante que les autres, claque dans le cockpit. Je suis trempé ! Je verrai  avec le jour qu’elle a explosé le coté de la capote. Je descends me changer et je ne sais pas si j’ai dormi avec un réveil toutes les demi heure grâce à mon minuteur de cuisine ; le radar m’a bien aidé ! le vent est un peu tombé, 15 nds c’est bien mais il est toujours sur mon cap ! !  le jour se lève ,je vire vers le large  et au bout de 5 miles je descend faire le point sur la carte papier et là je vois de l eau partout dans  la cale je goûte de suite. Ouf !  c est de l eau douce je ferme les vannes et j’assèche 150 litres d’eau. Cela me prend 1h. Je regarde les niveaux des réservoirs et celui de l’arrière est vide !  Je pense à une rupture du réservoir suite aux chocs violents d’hier. Je verrai ça à Gijon !  En fait j ai vu au port que c’était la durite d’arrivée d’eau du chauffe-eau qui s’était débranchée sous la violence des chocs. Rien de grave !

Un solide petit déjeuner me réconforte. Le soleil à l’air de vouloir se montrer et le ciel s’éclairçit. Un cargo vient droit sur moi par bâbord, j’abats un peu et il passe devant moi. Je reprends mon cap. Le vent a tourné d’un coup et là, je prends vraiment mon cap vers Gijon. Je suis content de faire route directe !

En début d’après midi le soleil et là, c est plus agréable et une heure après, les dauphins apparaissent et viennent droit sur moi ! C’est toujours un grand plaisir de les voir !  Je les verrai encore plus tard et le lendemain matin aussi.

Cette journée se passe super bien :  du vent, du soleil, le bon cap et les dauphins en prime que demander de plus !

Je me prépare pour la nuit qui ne va pas tarder, j ai pris le rythme du bateau et c’est détendu que la nuit m’entoure.

Le ciel est bien dégagé et des milliers d’étoiles s’allument les unes après les autres, c’est superbe ! Un tour de radar me montre quelques échos de cargos ou de pêcheurs dont j’aperçois les feux au loin. Je vais bien surveiller cette nuit.

Le jour se lève, la nuit s’est bien passée. La mer est belle et je suis à une cinquantaine de miles de Gijon. Le vent force 3 à 4 bien orienté me pousse à 7 nds vers les côtes espagnoles et les dauphins sont de nouveau avec moi on dirait qu’ils sont venus m’ accueillir et me souhaiter la bienvenue !

J’aperçois bien la côte je fais mon point et je suis juste en face de Gijon. Jje cherche à la jumelle le monument  « d EL HORIZONTE » qui signale l’entrée du port et je le vois enfin de mieux en mieux.

Je cherche une radio espagnole pour l’ambiance. Je suis à 5 miles du port et un drôle de sentiment m’envahit.

La joie de l’avoir fait et la nostalgie, car dans quelques heures ce sera terminé !  Je mets les pare- bat’ et prépare mon amarrage à babord et tribord. Je contacte la capitainerie qui m attribue une place. Je leur signale que je suis seul et ils me répondent de suite qu’un marinero m’attendra à ma place pour m’aider à accoster.

Certains ports en France peuvent en prendre de la graine !  L’accueil en Espagne c’est quelque chose, merci encore !

Ça y est Pierol est amarré. Je suis heureux je l’ai fait cette traversée en solitaire dont j’avais rêvé depuis si longtemps !

Ce que je tire de cette expérience c’est qu’il faut réaliser ses rêves tant qu’on le peut, car le plaisir est intense et reste à jamais dans nos souvenirs. On se prouve qu’on est capable d’aller au delà de soi-même , de se dépasser , de se sentir vivant ! ! Bref sortir de sa zone de confort et prendre quelques risques est vraiment profitable, nous ouvre des horizons nouveaux et nous apprend à aller à l’essentiel.

Jean Paul Gonzalez